Exemple parfait du gourmet débonnaire, Maurice-Edmond Sailland alias Curnonsky a eu une empreinte profonde dans la culture gastronomique. Grand amoureux de la cuisine française, et plus particulièrement des repas du terroir, il s'est fait un devoir de les mettre en avant à une époque où les plats se voulaient bourgeois.
Aujourd’hui, je vous dresse le portrait de Curnonsky alias Maurice-Edmond Sailland.
Le nom « Curnonsky » vient d’une plaisanterie échangée avec un ami. A l’époque, la Russie est à la mode, et Maurice-Edmond souhaite choisir un nom de plume pour ses articles. Il adopte alors le nom de cur non sky qui signifie en latin « pourquoi pas sky ? » (une petite référence aux noms russes finissant par sky). Bref, c’est une blague d’intellectuel.
Un goût pour la cuisine régionale
Ce qu’il faut retenir de Curnonsky, c’est son amour pour la cuisine, et notamment la cuisine régionale. Alors que la gastronomie un peu pompeuse d’Auguste Escoffier fait toujours fureur, Curnonsky, lui, vante les mérites d’une cuisine simple et traditionnelle. Il méprise les « noms bizarres et prétentieux où la chimie se mêle à la prestidigitation » et demande à ce que « les choses aient le goût de ce qu’elles sont, qu’une fricassée s’appelle une fricassée, une matelote une matelote, un poulet rôti un poulet rôti ». Bref pour lui, il faut revenir à une cuisine sans chichi.
« La cuisine, c’est quand les choses ont le goût de ce qu’elles sont »
Pour cela, il va se lancer dans la rédaction de nombreux ouvrages sur la gastronomie française. En 1921, il se lance avec l’historien et écrivain, Marcel Rouff, dans la rédaction de 32 volumes appelés La France gastronomique. L’objectif est de faire le tour des plats régionaux et de noter les meilleurs restaurants. C’est le début des chroniques gastronomiques. Malheureusement, Marcel Rouff décède et Curnonsky ne termine pas tout de suite les 4 volumes restants. Il faudra attendre pour cela 1933 et l’aide du journaliste et écrivain, Austin de Croze.
Un « gastronomade »
Pour Curnonsky, il existe 4 cuisines : « la haute cuisine, parure de France », la cuisine bourgeoise des maîtresses de maison, la cuisine régionale, la cuisine impromptue (faite avec les moyens du bord). Sa préférée ? La cuisine des terroirs ! Et pour la déguster, il faut partir à sa découverte dans toute la France. Pour cela, il va utiliser un nouveau moyen de transport, l’automobile. Ses voyages l’amènent à parcourir toutes les régions où ils rencontrent d’autres amateurs de cuisine simple. Voyageant sans cesse à la recherche de nouveaux mets, Curnonsky se surnomme lui-même le « gastronomade ». Ses périples vont le mener jusqu’en Extrême-Orient, où il va découvrir la cuisine chinoise, la seule à ses yeux qui puissent rivaliser avec la cuisine française.
Un prince débonnaire
Grâce à tous ses voyages et son caractère sympathique, Curnonsky s’est fait un nom parmi les intellectuels et gourmets. Il mange rarement seul, ne refusant jamais des invitations à dîner (il lui arrive de dîner deux fois dans la même soirée!) et son embonpoint (il pèse près de 120 kilos pour 1,85m) atteste de son goût pour la gastronomie.
Pourtant, son appartement parisien contraste avec cette vie épicurienne. Il se limite à de petites pièces et ne contient ni salle à manger ni cuisine. Curnonsky invite peu, lit beaucoup et apprécie la vie qu’il partage avec Germaine Larbaudière, sa compagne de 18 ans sa cadette.
En 1927, la revue Le bon gîte et la bonne table organise un vote. Grâce aux votes de 3 700 cuisiniers, restaurateurs et gastronomes, Curnonsky l’emporte haut la main. Il est sacré « Prince des Gastronomes ». Titre peut-être honorifique, mais auquel Curnonsky accorde beaucoup d’importance. Il crée l’« Académie des Gastronomes » en 1928, fonde à Bruxelles le « Club des Gastronomes » en 1938 et lance avec Madeleine Decure en juillet 1947 le mensuel Cuisine et Vins de France.
Curnonsky malgré sa grande production d’articles et de livres, est sans le sou. Sa compagne, Germaine, décède de la tuberculose en 1931. Lui-même souffre de problèmes de santé, « J'ai trop d'urée, j'ai trop duré » dit-il. En 1956, Curnonsky a 83 ans, il est pris d’un malaise, il chute par la fenêtre du 3ème étage de son appartement et meurt sur le coup.
Curnonsky est l’exemple parfait du bon vivant et gastronome. Il a largement participé à l’évolution du monde culinaire en mettant en valeur la cuisine régionale, jusque-là dénigrée au détriment de la haute gastronomie. Il a vécu avec humour, bienveillance et sans prétention. Que demander d’autre ?
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